Informaticien, un métier ingrat
Les dernières heures de l'année 2014 s'écoulent tranquillement et pour certains, le moment des bilans est arrivé. Chacun se fera son avis sur cette année que tout le monde s'est souhaitée bonne et heureuse
au mois de Janvier dernier. Personnellement, je n'attendais rien de 2014, et j'avoue que je n'ai pas été déçu !
Ces quelques jours de répit en fin d'année m'ont permis de (re)penser un peu à mon travail (même quand je n'y suis pas, j'y pense encore !), et l'idée d'un petit billet d'humeur sur le (difficile) métier d'informaticien s'est imposée. Ce n'est pas pour me plaindre (sinon je ferais autre chose), mais plutôt pour dresser le portrait d'un métier plutôt méconnu, même si tout le monde ou presque travaille tous les jours avec un ou plusieurs informaticiens !
Introduction
Il y a fort longtemps quand j'étais tout petit, une drôle de machine a commencé à envahir les rayons des supermarchés. Elle était dotée d'un écran ressemblant à une télévision sur lequel on pouvait faire apparaître des lettres et des chiffres en appuyant sur les touches d'une sorte de machine à écrire simplifiée, reliée à une boîte équipée de curieuses fentes.
Les premiers ordinateurs personnels grand public (Thomson MO5, Amstrad CPC, Apple Macintosh, etc.) faisaient leur apparition (et coutaient un bras pour certains), et leur utilité pour le commun des mortels n'était pas vraiment démontrée, d'autant plus que Windows 1 (pour les ordinateurs qui en étaient équipés), bien que plus attirant que la ligne de commande de MS-DOS, ne l'était pas encore assez pour intéresser le plus grand nombre.
Curieusement, à chaque fois que je passais devant le rayon des ordinateurs quand j'accompagnais mes parents faire les courses, j'étais attiré irrésistiblement par ces machines. Et du haut de mes 6 ou 7 ans, pouvoir "écrire" avec autre chose qu'une feuille de papier et un crayon était pour moi une sorte de magie et j'étais déjà curieux de savoir par quel miracle une telle chose pouvait se produire.
Quelques années plus tard, c'est devenu mon métier. Et parce qu'il n'est pas tous les jours facile d'être informaticien, j'ai décidé de prendre mon clavier pour expliquer pourquoi vous avez besoin des informaticiens, pourquoi ils sont sympas et pourquoi vous devriez les aimer (en plus d'être reconnaissants). Oui, rien que ça !
Définition
Commençons par définir ce métier fourre-tout, qui, pour beaucoup de monde, veut dire : Personne qui sait utiliser et réparer à peu près tout ce qui fonctionne à l'électricité, doté d'un écran et d'électronique. On peut d'ailleurs faire le rapprochement avec le terme "Geek", tellement galvaudé, qui signifie aujourd'hui : Personne qui possède un PC (ou un Mac, ne soyons pas sectaires) et un smartphone et qui sait (à peu près) s'en servir. C'est-à-dire presque tout le monde.
Pourtant, comme un Commerçant peut être épicier ou fleuriste, un Informaticien peut être administrateur réseau ou développeur. Les métiers de l'informatique se déclinent donc en plusieurs catégories qui ont toutes un point commun : l'outil de travail est un ordinateur (et pas forcément un micro ordinateur). Parmi ces métiers, on trouve (liste non exhaustive) :
- Les administrateurs systèmes
- Les administrateurs réseaux
- Les programmeurs ou développeurs
- Les intégrateurs web
- Les webmasters
- Les administrateurs de bases de données
- Les techniciens de maintenance
- Les experts de la SSI
- Etc.
Et dans certains métiers, on trouve encore des sous-catégories selon le niveau d'expertise. Il est, par exemple, humainement impossible pour un développeur de connaître tous les langages de programmation existants sur le bout des doigts. On trouve ainsi des développeurs spécialisés dans tel ou tel langage(s). De même un admin BDD aura son ou ses SGBDR de prédilection, un admin système : son ou ses OS préféré(s), etc. Cependant, il n'est pas rare de trouver des DBA développeurs ou des admins réseaux ET système (On aura plus de mal à trouver un fleuriste épicier !). Notez que même si un informaticien sait assembler un PC et sait à quoi ressemble une puce électronique, un transistor ou une résistance, il n'est pas électronicien !
Le terme "Informaticien" est presque devenu péjoratif, tant l'image qui en faite dans l'inconscient collectif est négative : limite autiste, l'informaticien reste en tête à tête avec son PC pendant des heures voire des jours, il n'a pas de vie sociale, est introverti, peu ou pas pédagogue, trop passionné par son domaine d'expertise pour faire attention aux autres, etc. Ne niez pas, on a parfois l'impression qu'être informaticien est une maladie :
- Vous êtes un peu pâle. Vous êtes malade ?
- Non, je vis dans le noir éclairé par la seule lumière de mon écran. D'ailleurs, ma maison n'a pas de fenêtre et je vis dans ma cave ! Je suis informaticien, et j' ai bien peur qu'aucun remède n'existe contre ce mal !
Pourquoi informaticien est un métier ingrat ?
Je vais parler de ce que je connais : je suis analyste programmeur. Pour schématiser, c'est un métier de l'informatique qui transforme les souhaits d'un client en application informatique ou logiciel capable de répondre à tous ses besoins (Plus de détails sur Wikipedia).
Cependant, l'organisation pour laquelle je travaille me demande de façon aléatoire et récurrente d'être à la fois administrateur fonctionnel, développeur, ou (le plus souvent) technicien de maintenance, webmaster, gestionnaire de parc informatique, hotliner (très souvent), etc. Si c'est enrichissant au niveau professionnel, je n'ai pas l'impression d'avoir une vision globale d'un sujet en particulier et encore moins d'en maîtriser tous les aspects. Pour se rassurer, on peut se dire que l'informatique est tellement vaste et évolue tellement vite qu'il est impossible de tout maîtriser, mais quand même !
La veille technologique est d'ailleurs une autre composante du métier d'informaticien qui, même si elle n'est pas obligatoire, devient vite indispensable pour ne pas être largué après avoir travaillé 10 ans dans un domaine devenu obsolète (Quoi que... J'ai étudié le Cobol à l'école - un langage de programmation des années 1970 - et de nos jours, les ordinateurs de certaines sociétés exécutent encore des applications développées avec ce langage). En plus des connaissances déjà acquises et celles qu'on apprend au cours de manipulations particulières, la veille technologique demande un investissement personnel non négligeable pour être un minimum informé de la sortie de nouvelles technologies et surtout de leurs mises en oeuvre.
En plus de ce travail particulièrement conséquent, l'assistance à l'utilisateur est la partie la plus ingrate du métier d'informaticien. Quel que soit son domaine, un informaticien doit être au service de ses collègues en cas de question / problème / bug ou formation à un logiciel qu'il n'a jamais utilisé ou presque. Un bon exemple est l'appel au secours d'une secrétaire au sujet de Word ou d'Excel qui sont quand même des logiciels qu'elle est censée mieux connaître qu'un développeur ou un webmaster.
Les informaticiens travaillent aussi le week-end et les jours fériés (Quand on aime, on ne compte pas... C'est bien connu !) : Jean-Robert de la compta nous a refilé le PC du petit Kevin qui connaît quelques problèmes depuis que ce dernier a découvert les joies de la pornographie numérique, grand-papy a installé le dernier logiciel gratuit à la mode sans décocher la (toute petite) case "Installer la barre d'outils Ask" et veut retrouver son navigateur comme c'était avant
, etc.
Qui n'a jamais entendu dans son entourage : Tiens, toi qui es informaticien... [placer ici un problème quelconque avec une machine électronique]
?
Pour beaucoup de monde, l'informatique est un hobby. Pourtant, si je reste passionné par ce domaine, j'aime bien faire autre chose que mon métier avec un ordinateur lors de mon temps libre. Et parfois, j'aime bien faire autre chose "tout court". Et comme c'est un hobby, certains ne considèrent pas ces métiers comme "sérieux" et partagent d'un air condescendant leur avis avec les techniciens qui leur viennent en aide lorsqu'ils sont bloqués avec leur ********* de PC
. Le top étant l'utilisateur qui vous vante les mérites de son Mac hors de prix (Moua, ch'uis Mac et ça plante jamais !
)
En plus de la patience dont ils font preuve régulièrement, sachez que les informaticiens sont en plus mentalistes et télépathes. Quand on nous dit J'ai un problème avec [placer ici le nom d'un logiciel, d'un périphérique ou le prénom d'un collègue, on n'est plus à ça près !]
, on sait très bien de quel problème il s'agit. Encore que dans cet exemple, on a de la chance : on a le nom du logiciel ou du périphérique incriminé. Parfois, c'est : J'ai un problème
. Vu que le coup de téléphone arrive au service informatique, on devine que c'est en rapport avec un ordinateur... Mais pas toujours ! Je ne serais d'ailleurs pas étonné qu'on m'appelle un jour pour dépanner la machine à café de la secrétaire, vu qu'elle fonctionne à l'électricité et qu'elle embarque un minimum d'électronique !
Fort heureusement, tous les utilisateurs ne réagissent pas de la même façon face à un ordinateur, mais certains d'entre eux (pour ne pas dire beaucoup) n'aiment pas trop ces machines, et ces dernières le leur rendent bien. Ils insultent d'ailleurs copieusement leur poste de travail quand celui-ci s'est mis en grève (en plus de taper dessus) avant d'appeler le service informatique (concentré sur son vrai travail) pour lui faire part de leur désarroi en des mots que la politesse m'oblige à taire ici.
Après s'être déplacé dans le bureau abritant le PC capricieux et mis en évidence un problème d'ICC (dans 80% des cas), les informaticiens et leurs machines maudites sont parfois insultés de plus belle en guise de remerciement, surtout quand la solution n'est pas trouvée dans les 5 minutes ou que la mise en oeuvre de celle-ci monopolise le poste de travail plus de 10 minutes.
Je me pose toujours une question dans ces cas-là : que font ces personnes quand leur PC familial ne s'allume plus ? Vont-ils le rendre au SAV (en insultant le technicien qui n'y peut rien) avant de vérifier que la prise est bien branchée ? Que font-ils quand leur imprimante familiale n'imprime plus ? Ils apportent l'imprimante à la décharge (en l'insultant un peu au passage, en espérant qu'elle prenne peur et se remette à fonctionner comme par magie) ? Qui s'occupe de la configuration de leurs boîtes mails ? Qui leur explique le fonctionnement du dernier logiciel qu'ils ont acheté ?
Heureusement, une majorité s'en sort plutôt pas mal avec l'outil informatique, mais pour beaucoup, ce domaine représente un frein dans le travail, alors qu'au contraire, c'est censé faciliter la tâche et aider les utilisateurs. Par ailleurs, la complexité de cette discipline et de ses outils rend certaines personnes complètement hermétiques aux nouvelles technologies. Elles ne cherchent d'ailleurs pas à comprendre et ne font surtout aucun effort pour le faire. Curieusement, ce sont souvent les mêmes qui sont condescendants (en un seul mot) avec les informaticiens.
Le problème est que beaucoup d'utilisateurs pensent qu'à partir du moment où ils ont un PC à la maison, ils savent se débrouiller voire - pour les plus courageux - qu'ils sont un peu informaticiens. En ce qui me concerne, j'ai un rabot dans ma boîte à outils. Ca ne fait pas de moi un menuisier. Un internaute qui sait aligner trois lignes de PHP ou de HTML (qui, rappelons-le, n'est pas un langage de programmation) n'est pas un informaticien. Et pourtant, combien de "Développeurs web freelance" s'affichent sur internet, pensant qu'installer un site sous Wordpress en changeant la police de caractères et le thème font d'eux des informaticiens ?
Conclusion
L'informatique, c'est un métier. Ou plutôt : des métiers. Les informaticiens doivent être curieux, créatifs, réactifs, patients, persévérants, pédagogues, pragmatiques, logiques et savoir se remettre en question à tout moment. Rien n'est acquis quand on travaille dans ce domaine. Cependant, malgré toute sa bonne volonté et son savoir-faire, un informaticien n'a pas la science infuse, et peut se trouver aussi désemparé que vous face à un ordinateur ou un périphérique capricieux !
Depuis plus de 30 ans, l'informatique s'est invitée dans tous les foyers ou presque, surtout depuis l'avènement d'Internet qui a profondément changé nos habitudes. Du coup, chacun se débrouille plus ou moins avec un PC. Mais tant qu'il y aura des ordinateurs, il y aura des informaticiens pour les faire fonctionner et évoluer.
Ce n'est pas parce qu'un ordinateur est un produit de consommation courante (limite jetable, de nos jours), qu'il faut sous-estimer les métiers qui lui sont associés. Le travail effectué par le personnel du service informatique d'une entreprise n'est pas toujours apprécié à sa juste valeur car il est souvent effectué "dans l'ombre" (au propre comme au figuré) et n'est pas vraiment visible des utilisateurs jusqu'au moment où il y a un problème.
Et un jour, votre supérieur vous demande : Mais que faites-vous dans votre service ?
. Oh, trois fois rien : on fait juste en sorte que tout le monde puisse travailler dans les meilleures conditions, car sans ordinateur(s) (et donc sans informaticiens), plus personne ne peut travailler...
Crédits photos : Les photos et images proviennent de Google Images, Wikipedia et Wikimedia Commons excepté le nuage de mots que j'ai généré grâce à l'excellent site Wordle et l'installation Java qui est une capture d'écran de mon PC.
Mise à jour du 12 Mars 2015 : Au hasard d'un surf dans l'immensité du web, j'ai échangé quelques mots (virtuels) avec un informaticien (Développeur web) qui partage mon avis dans son très bon article L'informatique facile m'a tué (www.emmanuelbeziat.com).
Mise à jour du 02 Décembre 2015 : Une connaissance m'a fait lire un autre très bon article qui décrit parfaitement ce que je subis quotidiennement au travail. Oui, je subis. Vous savez de quoi je parle ! Si vous êtes informaticien...
Lisez donc La vérité à propos des “informaticiens”… pour avoir une idée de notre métier si difficile !