PuceLe monde merveilleux de Facebook

Si vous êtes un anachorète vivant au fin fond d'une grotte ouzbek, une rapide présentation de Facebook s'impose. Ce réseau dans le réseau a été créé par Mark Zuckerberg en 2004 avec l'aide de quelques camarades alors qu'il étudiait à la prestigieuse université d'Harvard.
Au départ simple trombinoscope, ce site a évolué d'années en années pour devenir ce qu'il est aujourd'hui : un immense réseau qui permet à n'importe qui d'informer ses semblables qu'il a fait caca à 13h37 et mis en ligne ce statut avec sa tablette dernier cri depuis le lieu d'aisance (On n'arrête pas le progrès) - Statut qui sera liké par 152 amis virtuels - , partager des photos de chatons, relayer des hoax, poster des photos de vacances aux Seychelles pour frimer et accessoirement rendre jaloux les "amis" (qui commenteront : Ouah, tro bôôôôô en pensant Il est allé aux Seychelles c't'enculay ! La chaaaaaannnnnnce !), poster des photos de bébés (moches), de femmes enceintes (souvent moches aussi), partager des pétitions, spammer un fil d'actualités en postant un nouveau statut tous les quarts d'heure, créer une page à la gloire de Johnny Hallyday, et par-dessus tout, AIMER tout ce qui se présente à l'écran.

Femme enceinte moche
Depuis que tu es enceinte, tu as l'air tellement épanouie ! Tu es beaucoup plus belle qu'avant ! Enfin, je veux dire : moins moche... enfin...euh... La grossesse te réussit, en tous cas !

Maintenant qu'on a cerné les possibilités offertes par la plate-forme, je vais pouvoir cracher mon venin sur Facebook et son monde merveilleux, fait de likes, de J'adooooore, tro chou !, tro bôôôô, de bisous, de courrons tous en se tenant par la main dans des champs verdoyants baignés de soleil peuplés de papillons multicolores virevoltant au milieu des fleurs et des arcs-en-ciel, etc. Oui, je veux être un bisooooouuuu... Oups ! Désolé, ça m'a échappé...

Bisounours
Facebook : Le village virtuel dans les nuages ?

Cela faisait un moment que le projet d'un billet sur Facebook me trottait dans la tête à force de lire malgré moi des statuts et des commentaires tous plus mielleux les uns que les autres. Soit tout va bien pour tout le monde (tant mieux), soit le fait d'être présent sur Facebook rend aveugle, sourd et hypocrite (Certains étaient peut-être même déjà hypocrites avant de s'inscrire).

Ayant un profil sur la plate-forme, je n'ai pas pour habitude de poster des statuts mainstream. Refusant la convention sociale qui veut qu'on se souhaite une bonne année malgré les difficultés que notre monde connait, j'ai eu le malheur de partager un statut en ce début d'année 2014 pour signaler à mes amis que même si je sais leurs voeux sincères, 2014 sera comme 2013 : pas exceptionnelle. Les guerres ne s'arrêteront pas par magie, la faim continuera de faire des ravages dans le monde, les enfants indonésiens continueront la fabrication de vêtements vendus 50 euros en Europe pour un salaire de 10 cts / jour, et dans une moindre mesure, les fins de mois seront toujours difficiles et ma femme aura toujours plus de chances de gagner au Loto que de trouver un job en CDI malgré son BAC+3.

Chomage 2013
Bonne année !

Bien sûr, mon pragmatisme n'a pas vraiment plu et les commentaires de mes amis n'ont pas tardé : "Toujours aussi négatif", "...se vomir dessus de pessimisme...", etc.

C'est pourquoi, après quelques années d'expérience dans ce monde rose bonbon (qui est plutôt bleu, d'ailleurs) et cette dernière anecdote, j'ai décidé de prendre mon clavier pour partager mon avis sur ce média. Je ne vais donc pas me faire "d'amis" et peut-être même en perdre, ce qui confirmera ce que j'avance dans la suite de ce billet.

Avant l'ère "Facebook", il existait déjà des communautés où tout allait bien dans le meilleur des mondes. Ces communautés existent encore et ont un certain succès, comme DeviantArt ou Renderosity qui sont des plates-formes de partage dédiées au graphisme sous toutes ses formes.
En regardant un peu les oeuvres postées sur ces réseaux et les commentaires qui vont avec, on se rend vite compte que la plupart des gens trouvent tout excellent, génial, sublime 5 stars, même si l'oeuvre en question est moyenne voire médiocre (Exemple d'image de débutant qui est pourtant beautiful et amazing selon les commentaires) ou que le cliché posté comme une oeuvre est un gros plan d'un pénis ou d'un clitoris (Voir la section Photography > People & Portraits > Artistic Nude du site DeviantArt pour les coquinous). Je passe sur les commentaires de mâles en rut quand c'est une femme qui expose son intimité en pensant que c'est de l'art. Les commentaires autre que c'est de la mayrde ou c'est trop beau, je ne peux pas retenir mes larmes ! sont inexistants et les malheureux artistes qui ne sont clairement pas doués ne sauront jamais comment s'améliorer (D'ailleurs, le veulent-ils vraiment ?).

Si beaucoup d'oeuvres présentes sur ces sites communautaires méritent largement les commentaires positifs qu'elles reçoivent, l'hypocrisie et/ou la course aux commentaires affectent les autres.

La majorité des contenus présents sur Facebook se placent bien dans la deuxième catégorie. Je n'ai pas beaucoup "d'amis" (heureusement, finalement) et sur tous les commentaires relatifs à leurs statuts et/ou leurs photos : pas de négatif, tout est trop cool, génial, excellent, trop chou et surtout 253 amis aiment çaaaaaaaa (Bon, il faut reconnaître que parfois, c'est justifié).

Like
Merci de cliquer sur le bouton, même si ce que vous voyez ne vous inspire qu'indifférence et désintérêt. Ceux qui "n'aiment pas" sont priés d'aller voir ailleurs !

Ces contenus sont parfois partagés ce qui génère une tonne de "J'aime" supplémentaires. Du coup, on aime ce que les gens aiment qui aiment ce que les gens aiment qui aiment ce que les gens aiment, etc. Facebook devient une mise en abyme un peu comme dans le film Inception. Plus de place pour l'argumentation, les avis divergents, ce qui dérange. Ce qui ne plaît pas n'est même pas mis au rebut, puisque ça n'apparaît jamais. Si par malheur, quelqu'un ose être contre quelque chose, ou à contre-courant de la pensée majoritaire, il est gentiment remis à sa place et prié d'arrêter de se plaindre et/ou de gâcher l'océan de bonheur inondant le réseau social chaque jour un peu plus.

Become a fan
Avant le bouton "J'aime", on pouvait devenir "fan" (qui, pour les deux du fond qui ont du mal avec l'anglais, veut aussi dire "Ventilateur" dans la langue de Shakespeare)

Tout le monde doit être d'accord avec tout le monde. Si ce n'est pas le cas : Blacklist et l'ami devient, du jour au lendemain, au mieux : un anonyme parmi d'autres ou au pire : un ennemi sans autre forme de procès. Tout conflit est évité, tout le monde est content (sauf le trublion, évidemment).

Par le passé, des personnages tristement célèbres opéraient de la même façon avec ceux qui n'étaient pas d'accord. On en n'est pas rendu à la déportation ou au goulag avec Facebook, mais la pensée unique qui semble s'y installer présage du pire pour nos sociétés futures. Ce qui n'est encore que de la science-fiction (Le roman 1984, par exemple), pourrait, dans un futur plus ou moins proche devenir réalité : des citoyens moutons qui pensent tous la même chose, consommant aveuglément ce qu'on leur présente comme le meilleur pour eux, si possible pré-mâché, persuadés qu'ils vivent dans le meilleur des mondes, surveillés de près (pour leur sécurité) par un régime totalitaire (Dans le macrocosme de Facebook, on y est presque... Mais on n'est pas loin dans la vraie vie non plus).

Si le fond de certains statuts mis en ligne - à haute teneur en sucre et guimauve - ferait trépasser un diabétique, leur forme n'est pas en reste. Mes yeux fondent régulièrement en déchiffrant leurs contenus et leurs commentaires. J'ai parfois l'impression de naviguer sur un skyblog ou sur les forums de jeuxvideo.com. Et si par malheur, j'ai l'outrecuidance de faire remarquer qu'il serait bon de faire un effort sur l'orthographe, la réponse ne se fait pas attendre : T pa ma mer LOL et le tou c ke tum komprene. Bon j'exagère à peine, mais vous avez saisi l'idée. A croire qu'un K3v1n se cache derrière chacun de mes contacts ! Ce qui est impossible, vu que Facebook est interdit aux moins de 13 ans... en théorie.

Je termine rapidement le tour d'horizon de ce monde merveilleux avec les jeux vidéo proposés par la plate-forme tout juste intéressants 5 minutes aux toilettes (et avec lesquels des sociétés font des millions d'euros de bénéfices - c't'un scandale !) et les sites "pros" des sociétés connectées qui trouvent plus judicieux d'avoir un site "Facebook" (c'est surtout gratuit) qu'un "vrai" site, visible par les moteurs de recherches, développé par des professionnels. J'imagine l'image que renvoient ces sociétés et leurs "sites amateurs".

Farmville
Message pas du tout subliminal

Pourquoi rester sur Facebook, alors ? Pourquoi je ne reste pas aigri tout seul dans mon coin ? Pour une raison simple : J'aime bien emmerder le monde J'aime bien partager mes idées noires, mon cynisme et mes sarcasmes. Je suis sûr que ça fait du bien aux gentils Bisounours de voir autre chose que des commentaires et des statuts qui se ressemblent tous, emplis de gaieté, d'amoûûûûûr, de bonheur, de bébés "cro mignons", de pseudo-aphorismes sur la joie de vivre, etc. Cela dit, je suis quand même moins actif ces derniers temps pour toutes les (bonnes) raisons que j'ai évoquées.

Statut standard
Un statut "standard", à peine exagéré

Le plus étrange, dans tout ça, c'est qu'en discutant avec des vrais gens IRL qui ont un profil Facebook, tout le monde pense comme moi (à de rares exceptions près). Tout le monde dénigre tout le monde en dehors d'internet. Et une fois devant l'écran, tout le monde fait semblant. Facebook sert finalement à une seule chose : étaler sa vie à ses "amis", en occultant à tout prix ce qui pourrait être interprété comme un échec, un problème, une faiblesse pour paraître aux yeux de tous comme quelqu'un qui a une vie meilleure que son voisin, cette larve que vous avez accepté comme ami par charité. On peut d'ailleurs remarquer qu'il est difficile de demander à être ami avec quelqu'un, car ça place le demandeur en position d'infériorité : Va-t-il (ou elle) m'accepter ?.

Demande ami
Bouton bleu ou bouton gris ? Hum, j'hésite...

Facebook exacerbe le principal vice de notre société : la compétition. Il faut qu'on se compare tout le temps à tout le monde. Etre ou paraître mieux que tout le monde. Avoir la plus grosse bit euh... maison, la plus grosse voiture, la carrière la plus aboutie, être reconnu. Les gens en mal de cette reconnaissance cherchent à l'avoir au travers de Facebook (Youhou ! J'ai 536 amis ! Comment chuis trop une star ! Tout le monde aime mes statuts !), même si pour y arriver, ils doivent "aimer" des contenus dont ils se foutent complètement et accepter des "amis" qu'ils n'ont jamais vu de leur vie. Certains sont même tellement désespérés qu'ils "aiment" leurs propres statuts et commentaires.

I see people own status
Je vois des gens qui aiment leurs propres statuts. C'est vrai que ça fait flipper, quand même !

Certes, dans la masse, se cachent des individus honnêtes et sincères qui se moquent de tout ça. Mais franchement, c'est loin d'être la majorité. Certains, plus fragiles, tombent même en dépression en s'imaginant que leur vie est ratée comparée à celle de Jean-Robert, (soi-disant) marié à un top-model,(soi-disant) propriétaire d'une maison de 250m2, (soi-disant) conducteur de la voiture de sport dont tout le monde rêve, et peut-être endetté sur 15 crédits revolving qu'il se garde bien de mentionner sur Facebook, etc.

Facebook est à l'image de notre société moderne : basé sur le paraître, les faux-semblants et l'hypocrisie. Et pourtant, une fois connecté, on ne voit que bonheur et amour. Facebook serait-il la marijuana du XXIème siècle ? Finalement, Mark Zuckerberg a tout compris, et ne s'est visiblement pas trompé : plus d'un milliard d'utilisateurs se connectent régulièrement au réseau. Ca fait réfléchir sur les bases des relations humaines de notre monde "civilisé"...

Les personnages et les situations de ce billet étant presque fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé n'est pas du tout fortuite.

Crédits photos : Les images et photos appartiennent à ceux qui les ont créées, exceptés les montages consternants (Facebook sur fond arc-en-ciel et Miss immonde avec son mari) que j'ai créés sous Photoshop à partir de photos trouvées sur Google Images et de screenshots issus de pages Facebook.

Catégorie : Web

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